L’aventure Fitekantropus, quand l’architecte et l’urbaniste ancrent les dynamiques sociales.

Fitekantropus. Ne vous inquietez pas, nous aussi on a eu du mal à le prononcer la première fois, et pourtant, il est de ces projets dont a du mal à se détacher. On aurait pu faire un documentaire juste sur cela. Loin de nous l’idée de raconter ce processus vieux de 60 ans, mais on va quand même essayer de vous en donner le goût.

C’est Javier, architecte investit dans de nombreux projets à Lima, Pérou, qui nous présente le projet Fitekantropus. “Cela va vous plaire, il est très intéressant” nous dit-il la veille à l’inauguration du parc Clorinda, un projet qu’il accompagne également avec passion et bienveillance. Et en effet l’histoire de ce lieu va nous séduire dès notre arrivée.

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Tout commence donc dans ce quartier Nord de Lima, accessible par le métropolitain, un bus en site propre, qui permet de joindre rapidement les périphéries de la capitale, largement victime de l’étalement urbain. C’est un des nombreux quartiers de Lima construit dans les années 50 par des personnes venus de la campagne. Archétype du quartier auto-construit, comme 70 pour 100 de Lima nous dit Javier. Ce que l’on nommerait ici ‘bidonville’, mais qui s’appelle simplement ‘ville’ là-bas. Des quartiers qui commencent par de simples maisons en bois et qui évoluent tout au long de leur existence. Celui-ci est né à l’initiative de quelques familles qui se sont réunis dans le creux de cette montagne il y a plus de 60 ans de ça. Aujourd’hui, les pentes de la montagne sont de plus en plus utilisées pour construire de nouvelles maisons, posant de nombreux problèmes de connexion et d’acheminement dans ces parties éloignées. Cette difficulté d’installation implique aussi une autre difficulté : le terrassement des terrains. Ainsi de nombreuses personnes ayant le savoir-faire et les moyens profitent de cela pour terrasser des parties de la montagne pour ensuite les revendre à ceux qui viennent s’installer. Un terrain qui, de fait, n’appartient à personne fait donc l’objet d’une transaction marchande.

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Au commencement le centre fitekantropus était un comedor : une cantine populaire de quartier qui propose des “almuerzos”, déjeuners à moindre coûts, pour les habitants du quartier.

La première facette du projet est donc sociale. La deuxième est culturelle. Une troupe de théâtre, Fiteka, est implantée dans le quartier depuis longtemps et crée par ce biais une dynamique populaire et sociale forte en proposant des ateliers et des cours de théâtre aux habitants. La troisième facette est architecturale. La compagnie de théâtre cherche un lieu où se retrouver. En effet, le lien social qu’ils arrivent à tisser dans le quartier a besoin d’un espace identifié pour se réunir. C’est à ce moment là que le collectif d’architectes intervient et va proposer la rénovation et l’agrandissement du comedor du quartier déjà connus et reconnus par tous comme un lieux communautaire et d’entraide sociale. L’idée est de lier en un espace clairement  identifié les acteurs majeurs du quartiers, ceux qui font son identité.

La mairie va également rentrer dans le jeu et investir sur ce projet considéré comme un projet pilote à l’échelle de la ville mais également à l’échelle internationale puisque des partenariats sont également tissés avec l’Espagne et la faculté d’Alicante, Madrid et le pays basque.

Différentes étapes sont alors proposées par le collectif d’architecte : un calendrier étapé pour permettre une appropriation progressive du lieu et une validation des projets et de leur cohérence au fur et à mesure. Un temps également nécessaire pour le déblocage de fonds et la coordination de tous les acteurs. 

Tout d’abord il y a donc la création du première étage du bâtiment qui sera inauguré en 2014. Puis en 2016 c’est le deuxième étage à “multiusages” qui est inauguré. Les plafonds sont hauts pour permettre à la troupe de théâtre de construire et de stocker un temps ces grandes marionnettes nécessaires aux représentations, mais tout un chacun peut venir ici et investir les lieux pour mettre en forme des projets, des idées.  À côté une bibliothèque, dont les étagères se remplissent grâce à des dons effectués au centre, prends forme. Elle sera gérée par les jeunes du quartier.

L’ensemble a vu le jour par la mise en place d’ateliers participatifs. Nommés les dimanches communautaires, des moments d’échanges, de conversations et de création qui en plus de mener à une transformation physique ont engendré une transformation sociale. Dans ces ateliers l’intégration des femmes et des enfants est un leitmotiv assumé.

La prochaine étape du projet est prévu sur l’espace public avec l’aménagement du parc aux pieds du centre, la création de la placette et d’un skate parc.

En parallèle dans le quartier émergent également des micros projets d’aménagements d’espaces publics afin de les connecter entre eux. Comme par exemple l’aménagement d’escaliers pour rendre accessible les hauteurs du quartiers. Des projets mêlant à la fois la récupération d’espaces publics et leur création. On découvre en se baladant dans les rues l’ensemble du quartier. Un ensemble qui fait cohérence depuis l’aménagement et l’investissement de tous. Le cimetière attire notre attention, il semble être le miroir de ce quartier construit comme une communauté. Atypique et coloré il est, nous dit Javier, un lieu festif, notamment au 1er novembre pour célébrer les morts.

Et puis toujours en filigrane on retrouve la culture avec l’organisation tous les ans d’un festival de théâtre de rue qui accueille des troupes internationales. Une culture qui au fil des années à su transformer le quartier par le théâtre, la peinture, le chant, la danse. Le projet du centre communautaire n’est venu que cristalliser une dynamique et une communauté déjà structurée et soudée dans le quartier. Un message de vitalité fort qui transpire ici dans toutes les rues, dans tous les tags de rues.

C’est avec regrets que nous devons quitter Lima, contraints par le temps. On ne pourra donc pas assister à la semaine de représentations de théâtre de rues où le quartier est en véritable ébullition. Mais l’admiration devant ce projet complet nous marque tous, l’alliance de la culture, du social et de l’aménagement urbain semble ici évident. Leur complémentarité naturelle tisse les liens forts d’un quartier où il fait simplement bon vivre et où chacun, hommes, femmes, jeunes, personnes âgées, semblent trouver leur place en tant que citoyens. Que pourrait désirer de plus un urbaniste ?

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