Notre rencontre avec Elsa, fondatrice du collectif ARCHE, nous a permis de comprendre davantage le contexte brésilien. En nous expliquant le rôle de son collectif, notamment à travers l’exemple du projet “Esperança”, Elsa nous brosse un portrait de la situation actuelle du Brésil tant sur les questions urbaines et sociales que politiques.
Tout d’abord, il faut comprendre le contexte politique du Brésil d’aujourd’hui, en crise suite à de nombreux scandales de corruption. Pour résumer, Lula puis Dilma Roussef ont mis en place des politiques sociales depuis 2003. Aujourd’hui, Dilma a été démis de ses fonctions et remplacé par Temer, son ancien vice-président, très ancré à droite. Ce dernier remet en question les nombreuses politiques sociales de l’ère Lula. Un système politique gangrené donc, dans lequel beaucoup de brésiliens peinent à croire et dans lequel des modes d’organisation citoyennes et en autogestion prennent tout leur sens.
Dans ce contexte national, la problématique du logement est une question majeure. De nombreuses familles n’ont pas accés à un toit, à un logement décent, ou à la propriété. Le gouvernement de Lula a tenté d’apporter une réponse à ce problème via le programme Minha Casa Minha Vida. Celui-ci finance en masse la construction de logement via des subventions à des constructeurs et donne accès à la propriété à bas prix à des familles dans le besoin. Mais la popularité de ce programme national est largement remis en question au Brésil, du fait de l’ambiguïté des intentions initiales de production de logements sociaux. En effet, le programme est né dans un contexte de crise économique nationale. Il a ainsi pris des allures de relance économique par la construction offrant des marchés aux grandes compagnies du bâtiment, plus que de réels programmes de logements sociaux. Les habitats construits dans ce cadre sont en majorité déconnectés du reste de la ville, situés dans des périphérie mal desservies. La ville est alors pensée seulement à partir du logement et non dans sa globalité (services, réseaux de transports …)
Dans ce contexte, le collectif ARCHE tente de donner une alternative à cette production de logements en masse à travers la thématique de l’habitat en autogestion. Le collectif, qui a vocation à devenir une ONG, est né après que l’équipe ait gagné un concours du d’une branche spécifique du programme Minha Casa Minha Vida nommée Entitade.
Avec ‘Entidade’ la dynamique est différente. Certe les programmes se situent souvent en périphérie, mais ils sont l’oeuvre de dynamiques d’autogestion, pour lesquelles l’Etat apporte des financements.
Nous avons pu voir l’exemple de l’un de ces projets dans le banlieue Nord de Rio, nommé Esperança. Ici, c’est le collectif ARCHE avec l’association Bento Rubio qui ont aidé les habitants, déjà organisés en collectif, à aboutir à ce projet.
L’association et le collectif ont guidé les habitants pour les formalités administratives d’acquisition des terrains et de planification du projet. Ils les ont également aidés pour la partie technique de construction et les questions de bases d’architecture et d’urbanisme (structure des maisons, ventilation, emplacement des maisons, luminosités, plan du quartier …) . En somme, une sorte d’apprentissage général du droit à la ville pour aider les habitants à revendiquer et à user de leur droits.
Malgré nos lacunes en portugais nous avons pu nous rendre sur le site et visiter le projet.
Luiza, Fernando et Carlos nous ont guidé à travers ses rues, ses maisons et leurs habitants. Une ambiance douce et conviviale règne ici. Les habitants sont fières du projet accomplis et de la qualité des maisons construites. Ainsi, nous nous retrouvons à visiter maisons après maisons l’intérieur que chacun a personnalisé !
Juste derrière le prochain le projet Esperança nous apercevons un projet d’habitat du programme général minha casa minha vida. Les logements sont effectivement plus impersonnelles, séparés par le reste du quartier par des clôtures en grillage.
Pour Elsa le droit à la ville c’est d’abord comprendre, c’est à dire être sensibiliser à la question pour pouvoir y avoir réellement accès. C’est alors que l’action collective devient la “base de tout”. Elle insiste sur le fait que c’est ensemble qu’on arrive aux objectifs souhaités et notamment au vivre ensemble.
Sur le trajet du retour pour rejoindre le centre de Rio (1h30 de bus à travers la transolympica, BRT ( train régionale ) et métro) La question de l’échelle de ce projet nous interpelle. En effet, il aura fallu 15 ans aux 70 maisons du quartier Esperança pour émerger. Alors certes le programme est une réussite mais à quel point il peut être un prototype reproductible dans d’autres quartiers et à plus grande échelle ?