C’est grâce à la fondation Pro Habitat, qui œuvre depuis 25 années pour l’amélioration des conditions d’habitat dans les zones périphériques de Cochabamba, que nous faisons la connaissance de la communauté Maria Auxiliadora. Il s’agit d’une communauté créée en 1999 et composée d’environ mille familles qui auto-gèrent la construction et le quotidien de leur quartier.
Pour en savoir plus nous contactons une figure de ce projet : Rosemary Irusta Perez. À l’initiative du projet communautaire, elle souhaite faire entendre et respecter le droit de «bien vivre», intégré dans la nouvelle constitution bolivienne, pour les plus démunis et en particulier les femmes. Elle nous invite avec grand plaisir à visiter les lieux en compagnie de Pietro et son père. Après 45 minutes de taxi, depuis le centre de Cochabamba, nous arrivons sur place. C’est dans un relief de la colline du district 9 de la zone sud de Cochabamba que la communauté s’est installée il y a 18 ans, à l’époque sur des terrains vierges. Maintenant, au vu des récentes expansions de la ville, d’autres groupements d’habitations se sont ajoutés. Au fur et à mesure de la visite des habitants se joignent à nous. C’est avec grande fierté qu’elles et ils nous racontent leur histoire et ce pourquoi ils ont choisi de vivre ici.
Tout d’abord la communauté a été imaginée par et pour les femmes. Elle permet notamment d’offrir un lieu sûr pour les femmes victimes de violences conjugales. Mais également de leur donner la possibilité d’être autonomes et d’acquérir leur propre logement, qu’elles paient en fonction de leur ressource. En somme de pouvoir s’impliquer dans un cadre autre que celui de la famille.
Les femmes que nous rencontrons s’investissent beaucoup pour faire vivre ce lieu où les pouvoirs publics sont quasi inexistants. Cet engagement, nous avons pu le ressentir quand chacune d’entre elle nous parle de son rôle au sein du conseil d’administration de voisinage. Une est responsable du comité de la famille, une autre est vice-présidente. Au total 4 comités, pilotés par des femmes, organisent la communauté. Pour autant les hommes ne sont pas exclus de l’organisation, ils participent également à la vie quotidienne de ce quartier.
Les valeurs sur lesquelles s’appuient la communauté sont la solidarité, le respect et le soutien mutuelle. Les lieux communs et les ressources communes sont pensés ensembles. Ayni, qui signifie en quechua réciprocité et complémentarité, caractérise le mieux la philosophie de Maria Auxiliadora. D’ailleurs ce terme n’aura cesse de nous suivre durant notre voyage en Bolivie. Chaque dimanche les habitants se réunissent pour résoudre les problèmes du quotidien de chacune et chacun (construction d’une extension, d’une dalle…) et de faire avancer la communauté. Aujourd’hui le quartier compte une bibliothèque, une garderie, un centre communautaire et organise même des cours de soutien scolaire. Depuis quelques années il est même desservi par les transports publics. La communauté a su s’organiser comme une véritable institution, en s’associant avec des associations de coopérations nationales ou internationales elle a pu garantir des services de bases pérennes pour ses habitants comme par exemple la mise en place d’un système d’évacuation des eaux usées. Forte de toutes ses avancées il reste encore une étape à franchir pour la communauté. Avec le soutien de la Fondation Pro Habitat, la communauté souhaite faire reconnaître son statut juridique particulier devant les instances boliviennes.
En effet la base de cette solidarité s’établit sur le fait que l’ensemble des habitations de la communauté fait l’objet d’un seul titre de « propriété collective communautaire». C’est à dire que le terrain appartient à une seule entité, interdisant les occupants à spéculer sur la valeur du logement. Malheureusement les institutions boliviennes ne reconnaissent pas ce droit de propriété collective. Ainsi, juridiquement parlant, c’est Rosa qui est la propriétaire de l’ensemble des terrains de la communauté.
C’est avec le soutien de la fondation Pro Habitat que la communauté se bat pour faire reconnaître ce droit. L’exemple de Mari Auxiliadora entend apporter une réponse au ” bien vivre “. Il s’agit de donner la liberté de construire un lieu de vie fondé sur des principes de solidarité entre les familles et ainsi permettre, pour les plus démunis de vivre modestement mais dignement.
Or les politiques peinent à prendre au sérieux cette initiative alors qu’il pourrait s’agir d’une réponse adaptée aux problématiques de l’habitat informel de l’agglomération. D’après la Fondation le thème de la sécurisation des maisons, en zones périphériques, est la priorité des familles qui vivent dans la peur de se voir déplacer encore une fois.
L’objectif de ce combat est avant tout de sécuriser et régulariser le foncier. Cette expérience nous a montré que la problématique de l’habitat est trop souvent abordé en terme technique (construction, amélioration de l’habitat…) alors qu’il est avant tout juridico-politique.